Entre les surcoûts liés au Covid-19 pour les industriels et la quête de bas prix par les ménages sur fond de crise, les géants de l’industrie et la distribution s’engagent dans un bras de fer.
La crise économique et sanitaire favorise un affrontement sur les prix entre les géants de l’industrie et ceux de la grande distribution. D’un côté, des consommateurs sont d’autant plus attentifs aux prix que l’économie et le marché de l’emploi sont en berne. De l’autre, des surcoûts liés à l’épidémie de coronavirus mettent sous pression la rentabilité des industriels. Les négociations pour 2021 entre les deux camps s’annoncent tendues d’ici au 1er mars !
Plus d’un tiers des Français ont déclaré avoir perdu des revenus en raison de la crise sanitaire, selon l’Observatoire société et consommation (ObSoCo). Et « la grande distribution a bien intégré cette problématique », estime la directrice de l’Observatoire, Véronique Varlin. Les enseignes se posent plus sensiblement depuis la crise en défenseurs du pouvoir d’achat. Objectif: convaincre les consommateurs qu’ils trouveront les meilleurs prix chez telle ou telle enseigne… qui prendra ainsi des parts de marchés à la concurrence.
D’autres dynamiques sont à l’oeuvre, explique le patron de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) Jacques Creyssel. D’abord, « la marge de la distribution s’est réduite de manière très importante depuis plusieurs années alors qu’il y a dans le même temps la nécessité de continuer à investir face à la concurrence des acteurs transnationaux ». Ensuite, il y a les surcoûts causés par l’épidémie de coronavirus. Marges rognées, coûts croissants, concurrence sur l’offre de prix bas : tous les ingrédients semblent réunis pour un retour de la trop fameuse guerre des prix.
Désignant à l’origine la concurrence entre les distributeurs, l’expression s’est étendue à l’ensemble des parties prenantes des négociations commerciales: en offrant des prix bas à leurs clients, les acteurs de la distribution rognent leur marge et sont donc tentés de négocier à la baisse ce que leur fournissent les industriels de l’agroalimentaire. Lesquels, à leur tour, vont acheter à la baisse auprès des producteurs, laitiers par exemple.
Au point que le président de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), Richard Girardot, craint un retour « aux vieux démons ». « Si on est reparti dans une spirale de prix bas », explique-t-il, les entreprises « n’auront pas les moyens d’investir et tous les efforts faits par le gouvernement en termes de relance ne serviront à rien », avertit-il. De la part d’un secteur très pourvoyeur d’emplois en France, l’argument porte.
Le gouvernement se veut vigilant pour éviter toute « spirale déflationniste ». Mais aussi pour préserver l’esprit de la loi Alimentation promulguée en 2018 et censée protéger les revenus des producteurs en visant une meilleure répartition de la valeur entre les maillons de la chaîne alimentaire. La loi n’a « pas encore atteint » ses objectifs, avait reconnu le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie début septembre. Mercredi, il a mandaté l’ancien patron de Système U, Serge Papin, pour travailler sur « la répartition de la valeur ».
Les pouvoirs publics ont déjà montré les muscles: fin août, la centrale d’achats belge codétenue par E.Leclerc, Eurelec, a été mise à l’amende à hauteur de 6,34 millions d’euros par la Répression des fraudes (DGCCRF) pour pratiques commerciales illicites. Michel-Edouard Leclerc y a vu « une claque avant négociations ». En février dernier, Carrefour, Système U et Intermarché avaient également été sanctionnés.
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